
Taxer à la fois la plus-value et le dividende, c’est taxer deux fois la même matière imposable et dès lors ne tenir aucun compte de la réalité économique. On l’a dit et répété, les plus-values sur actions représentent des bénéfices actuels ou futurs de la société émettrice, lesquels, depuis la réforme fiscale de 1962, sont imposés successivement dans le chef de la société et ensuite des actionnaires, lors de leur distribution. Mais ce qu’on n’a, semble-t-il, jamais évoqué, c’est comment calculer le taux de taxation effectif de ces bénéfices lorsqu’ils seront taxés sous forme de plus-value dans le chef de l’actionnaire qui vend ses titres. C’est lorsqu’on se livre à cette analyse qu’on se rend compte que ce nouvel impôt sur les plus-values est vraiment incompatible avec l’actuel système forfaitaire de taxation des dividendes sous forme de retenue à la source aveugle du précompte mobilier.
Les plus-values sur actions représentent des dividendes futurs
Ainsi, pour prendre un exemple simplifié, en cas de vente d’un titre au prix de 108 la veille du détachement d’un dividende brut de 8, le vendeur réalise une plus-value de 8 s’il a acquis le titre au prix de 100. Quant à l’acheteur, il obtient le remboursement partiel de son prix d’achat lorsque, le lendemain, il encaisse le dividende net de 8 amputé du précompte mobilier de 2,4, soit un montant net de 5,60. Cela démontre que pour l’acheteur d’une action cédée avec plus-value, d’un côté, le dividende net qu’il touchera plus tard ne représente pas un revenu mais le remboursement d’une partie du prix qu’il a payé à son vendeur tandis que, d’un autre côté, taxer la plus-value fait double emploi avec la taxation du dividende. Il est donc clair que, dans notre système fiscal actuel, le précompte mobilier représente un impôt qui est perçu aveuglément sur le bénéfice distribué; donc, un impôt qui ne tient aucun compte de la capacité contributive de l’actionnaire qui recueille le dividende et qui se substitue à la taxation de la plus-value réalisée par le vendeur du titre. Dans cette mesure, il est évident que taxer la plus-value fait double emploi avec taxer forfaitairement le dividende.
Le véritable taux
Taxer à la fois la plus-value et le dividende, c’est donc taxer deux fois la même matière imposable et, dès lors, ne tenir aucun compte de la réalité économique. Mais ce n’est pas tout puisque le bénéfice distribué sous forme de dividende a préalablement été taxé à l’impôt des sociétés au taux de 33,33 % et non pas de 25 %, comme on a tendance à le croire. En effet, pour pouvoir distribuer un dividende de 100, la société a dû réaliser un bénéfice de 133,33, lequel a été soumis à un impôt des sociétés (non déductible) de 133,33 x 25 %, soit 33,33, ce qui laisse un net disponible pour mise en réserve ou distribution d’un dividende de 100. Cela constitue la preuve irréfutable de l’étonnante irrationalité de l’aggravation du système tel qu’il va être appliqué en Belgique. Si on considère que ce montant de 100 va désormais être soumis à un impôt de 10 % en cas de vente de ses actions par l’actionnaire initial, cela signifie que le même bénéfice sera soumis à une triple imposition représentant au total 33, 33 + 30 + 10 = 73,33, soit 73,33 % du montant de la plus-value de 100. Cela constitue la preuve irréfutable de l’étonnante irrationalité de l’aggravation du système tel qu’il va être appliqué en Belgique. Sans oublier que lorsqu’il s’agit d’actions étrangères, le dividende est préalablement soumis à une retenue à la source supplémentaire dans le pays d’origine au taux généralement de 15 %.
Taxer l’inflation et appauvrir l’épargnant
Mais ce n’est pas tout. Le pire, en effet, c’est que l’impôt sur les plus-values ainsi que sur les dividendes frappe le revenu nominal, en ce compris celui qui correspond à l’inflation dont on sait qu’elle appauvrit les épargnants et qu’elle est dotée d’un effet multiplicateur tel qu’elle a été de plus de 800 % depuis 1960 et qu’elle se situe en Belgique parmi les plus élevées de la zone euro. Prétendre que le taux de 30 % du précompte mobilier sur les dividendes est un cadeau aux riches actionnaires est donc une énorme méprise. Ainsi, si l’inflation est de 3 %, taxer une plus-value nominale de 3 % au taux de 10 %, c’est prélever un impôt de 0,30 % sur le capital de l’investisseur et ainsi aggraver son appauvrissement. De même, prélever un impôt de 30 % sur un dividende de 5 % alors que l’inflation est de 3 %, c’est percevoir un impôt effectif de 1,5 sur un revenu réel de 2; ce qui constitue un prélèvement au taux effectif de 75 %. Prétendre que le taux de 30 % du précompte mobilier sur les dividendes est un cadeau aux riches actionnaires est donc une énorme méprise.
Taxer la reconstitution des pertes
Enfin, le système hérétique envisagé par nos éminences prévoit que les frais et les taxes ne peuvent être déduits pour le calcul de la plus-value. Quant aux moins-values, elles ne pourront être déduites que si elles sont réalisées la même année par le même contribuable dans la même catégorie d’actifs. Cela aura notamment pour effet de taxer la reconstitution future des pertes qui seront réalisées en cas, par exemple, de survenance d’une (probable) quatrième crise boursière au cours de ce siècle. Preuve supplémentaire, si besoin en est, de l’étonnante incapacité du législateur belge à respecter les réalités économiques et même le simple bon sens ! Conclusion : à la lecture de cet article de l’Echo, l’assurance placement devient plus que jamais la meilleure alternative.